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Saut dans le vide : Dans les plumes de l'Aigle

sylviecurioz2

Dernière mise à jour : 7 oct. 2024



aigle arc-en-ciel en vol

Dans la série « Peur du vide », j’en ai remis une couche dimanche 29 septembre 2024 en me lançant le défi de voler en parapente avec mon fils Fabien.

Depuis ma traversée épique de la passerelle à Farinet avec mon fils Mathieu en octobre 2023 (voir mon article), je m’étais dit que le prochain pas pour juguler ma peur du vide était d’accepter l’invitation de Fabien à quitter le plancher des vaches pour me prendre pour un aigle. Comme c’est mon animal totem, la proposition était tentante, mais mes peurs viscérales de glisser de la nacelle, de tomber, de me décrocher, de me blesser, de m’évanouir en l’air, de paniquer, voire de mourir (et oui elles sont nombreuses ces petites chéries et encore c’est seulement celles que j’ai pu consciemment répertorier !), m’avaient fait renoncer jusque là.

Or voilà que 2 jours avant l’exploit, je sens intérieurement que quelque chose a bougé. Les peurs sont toujours présentes, mais la certitude de pouvoir les traverser s’est faufilée dans mes entrailles. Et l’envie de m’y frotter est en train de naître. J’arrive presque à m’imaginer sereine en l’air. Je reste en lien avec cette sensation et évite d’emballer mon mental.


Quand c'est pas l'heure c'est pas l'heure


Cette maturation a été très intéressante dans son cheminement et dans les échanges qu’elle a suscités avec mon fils. Lui pensait que si je ne lui disais pas oui tout de suite, c'est je ne lui faisais pas confiance. Or cela n’avait rien à voir avec ça. Au contraire, cette expérience je ne pouvais l’envisager qu’avec lui et personne d’autre, c’était seulement une question de temps. Dans son insistance à vouloir me faire voler, j’ai été obligée de bien me positionner clairement dans le refus, tant que je ne le sentais pas juste. J’ai pu sentir parfois son agacement devant mes freins qu’il ne comprenait pas, tellement ils étaient loin de son propre vécu, mais il était essentiel pour moi de me respecter et de donner mon accord à l’expérience uniquement au moment où je sentirais qu’intérieurement tout serait parfaitement aligné.


Au début je m’étais même dit que peut-être ce serait utile de m’habituer petit à petit aux sensations en commençant par des tous petits vols sur une pente école avant de me lancer dans le vide. Fabien n’était pas trop partant pour ça et avançait des arguments valables, mais il était difficile pour moi d’imaginer balayer cette étape. Et ce fameux dimanche 29 septembre, c’est ce qu’on avait décidé de faire dans un premier temps. Avant qu’il ne fasse une petite sieste et me laisse le temps de cogiter. Avant que je sente que non je n’avais plus besoin de cette étape, je pouvais y aller et faire le grand saut dans le vide.


Le saut dans le vide c'est aujourd'hui ou jamais


Nous voilà donc partis pour l’aire de décollage de Samoëns 1600.

Le temps est magnifique, du soleil, peu de vent, les conditions idéales me confirme Fabien.

Nous rejoignons l’emplacement réservé aux parapentes.

Un monsieur va vivre son baptême également. Nous le laissons partir avant nous.

Fabien m’équipe : nacelle, casque. Il m’accroche. Je n’arrive pas à me dire que dans quelques minutes je vais voler. La peur me tord un peu les boyaux, mais je sais que c’est LE jour et rien ne me fera renoncer, même si je m’accorde le droit de pouvoir tout arrêter au dernier moment si c’est ça que je sens juste, mais je sais que je ne le ferai pas. Aucune peur ne peut plus me paralyser, le saut dans le vide c’est aujourd’hui. Le temps n’est plus aux questions, aux hésitations, l’aventure c’est maintenant. Je suis complètement concentrée dans l’instant présent. En observation de toutes les sensations qui me traversent, physiques, émotionnelles, mentales.

Fabien m’explique comment courir, surtout ne pas m’asseoir avant que les pieds ne touchent plus le sol. Et si je m’encouble ? J’ai un peu les jambes qui tremblent.


Dans quelques secondes on va se mettre en mouvement, une chorégraphie jamais répétée, qu’on va vivre en commun, comme au temps où on dansait ensemble. Improvisation. On connaît, on sait faire, on aime. Je compte sur lui, il compte sur moi, il compte tout court, « un, deux, trois, cours cours cours ! ».

J’y vais je fonce, je dévale la pente, la poitrine en avant je tire de toutes mes forces pour que la voile se gonfle, mes yeux sont rivés devant moi, le regard sur la montagne d’en face, le Criou, mes jambes fouettent l’air, plus rien ne me raccroche au sol, je me suis assise, je ne sais même pas comment j’ai fait, une sorte d’instinct... Je vole...!


Fabien me félicite, il trouve que j’ai super bien couru. Il est derrière moi, il pilote, il me parle.

La sensation est étrange, j’ai l’impression de ne pas avancer.

Soudain un mouvement un peu brusque. Oh, un micro mouvement, mais il m’arrache un cri de frayeur. Un autre et un hurlement sort de ma gorge.

Fabien rit, mais ce n’est pas de la moquerie et il me rassure en me disant que ce n’est rien, juste des petites bulles d’air chaud. C’est pourtant mignon une jolie bulle d’air chaud. Son calme m’apaise, je suis confiante de sa totale maîtrise de la situation, mais j’avoue que je me sens quand même bien crispée. Mes doigts et mes muscles tétanisent un peu. Une crampe commence à poindre le bout de son nez sur ma hanche droite. Le vol ne fait que commencer, il faut que j’arrive à juguler cette douleur. Mais malgré les exercices de respiration, je peine à me détendre et du coup je fais même de l'hyperventilation. Obligée d’accueillir les sensations, obligée de lâcher prise. Bon, il faut être honnête, je n’y arrive pas vraiment. Mais chose étrange, cela ne m’empêche pas d’admirer le paysage et même d’apprécier cette expérience. Il y a Sylvie qui a peur et qui est en panique dès que ça bouge un peu trop à son goût (et le seuil de tolérance est vraiment très bas !😅) et il y a Sylvie qui prend plaisir à la beauté de l’environnement, les couleurs automnales qui commencent à couvrir les forêts, la neige en altitude, la vision panoramique qui s’ouvre à 360°, la vallée qui dévoile ses charmes depuis un point de vue inédit. J’arrive même voir l’espace d’exposition où sont installées mes illustrations poétiques le long du Giffre à Morillon ! 😍

C’est une splendeur. Je mesure la chance que j’ai de vivre cette aventure.


On amorce la descente, Fabien me prépare à l’atterrissage, tout en douceur qu’il dit.

Et effectivement on retrouve la terre ferme, avec la légèreté de 2 plumes.

Mes pieds se posent sur l’herbe, la voile se dégonfle.

Une joie incroyable inonde tout mon être. Je l’ai fait ! J’ai volé !


Je ressors évidemment extrêmement enrichie de cette mise à l’épreuve et il est évident que je ne mesure pas encore toutes les implications futures que va inévitablement avoir ce saut dans le vide absolu.


Je remercie Fabien de la chance extraordinaire qu’il m’a offerte, à la fois de traverser des peurs profondes et de vivre une telle expérience.

Je m’en souviendrai pour le restant de mes jours.


Je pense aux bébés oiseaux qui volent pour la première fois.

Est-ce qu’ils se sentent comme ça ?


Le vol a duré 13 minutes et 13 secondes. Ça ne s’invente pas.



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